Si vous m’avez fréquentée à Open Source Church, vous savez certainement que ma relation à la foi est, disons… tumultueuse. J’ai énormément de peine à aborder des sujets liés à la religion chrétienne sans faire monter une certaine tension en moi. Pourtant, je pense aujourd’hui avoir pris assez de recul pour parler de certaines choses qui ont pu me blesser dans les discours religieux que j’ai pu entendre.
Mais avant de se lancer dans le vif du sujet, quelques précisions :
Si vous êtes familiers avec les milieux évangéliques, vous savez probablement que beaucoup de prédications contiennent des témoignages. Certaines se basent même davantage sur ceux-ci que sur l’étude des textes. Je n’ai à priori rien contre ce mode de fonctionnement. Le témoignage permet de rendre la prédication plus parlante, en l’ancrant dans notre réalité.
Pourtant, les témoignages que j‘ai pu entendre m’ont amenée à développer des conceptions théologiques problématiques. Et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
Le problème des témoignages que j’ai entendus est qu’ils s’inscrivent quasiment tous dans une sorte de template. (Expression que j’ai d’ailleurs piquée à Sophie qui l’a utilisé durant une discussion Red Team) En gros, 80% d’entre eux suivent le schéma suivant :
Je caricature un peu, mais la réalité n’est pas bien éloignée.
À priori, rien ne parait bien choquant là-dedans. Pourtant, si y on réfléchit, ces témoignages véhiculent deux idées importantes : les personnes souffrent à cause de leur mauvaise conduite et vont mieux grâce à la rectification de ce comportement. Donc si je résume, leur souffrance est directement causée par leur péché, et disparait lorsque ceux-ci cessent.
Le problème, c’est qu’il s’agissait du seul modèle auquel j’étais confronté. Et lorsqu’il n’y a qu’un modèle, on finit inconsciemment par penser qu’il n’en existe pas d’autres. Et donc, on essaye de faire entrer notre vécu dans ce schéma. D’où l’idée de template.
Il faut maintenant imaginer ma situation : adolescente de 15 ans très anxieuse, qui a fait une dépression à 11 ans et s’est faite baptisée à 14 ans. J’entends des dizaines de témoignages similaires, et je cherche à donner un sens à mon parcours de vie. En suivant donc le fameux template, j’attribue les causes de ma dépression à un éloignement de Dieu, et surtout, je considère le baptême comme le moment de rédemption où je suis revenue dans le droit chemin. Je suis donc censée me trouver à la partie où les souffrances s’apaisent.
Sauf que ça ne marche pas. Car je continue à avoir des angoisses et des moments de dépression. Quelle est donc ma conclusion ? Que je me trouve dans la faute, ce qui explique pourquoi je suis toujours en train de souffrir. Je cherche à améliorer mon comportement en espérant me sentir mieux. Mais ça ne fonctionne pas. Je culpabilise, donc je souffre encore plus, ce qui me fait encore plus culpabiliser. Bref, je suis enfermée dans un cercle vicieux de souffrance et de culpabilité dont je n’arrive pas à me sortir. Résultat : moral à zéro, piètre estime de moi, rapport à Dieu compliqué.
Je vous rassure, j’ai fini avec le temps par réaliser à quel point ce schéma était toxique et m’en extraire. Pour ça, je dois notamment remercier mes parents, d’ex-évangéliques, qui me connaissaient aussi bien que les risques des milieux que je fréquentais. La chose n’a pas été facile pour autant. J’ai dû prendre de la distance avec les églises ce qui m’a fait un grand bien.
Pendant ce processus, j’ai fait la rencontre de deux personnages qui semblaient aussi mal rentrer dans le template que moi. J’ai nommé : Job et l’Ecclésiaste.
Vous n’êtes peut-être pas très familiers avec Job et l’Ecclésiaste. Je ne vais pas pouvoir complètement vous les présenter, car je ne suis pas non plus une experte. Mais si je devais résumer ce que j’ai appris à leur côté, je dirais que Job m’a fait comprendre que notre souffrance ne découle pas de nos péchés. Le mal est dans le monde, c’est comme ça. Ça peut paraitre vachement déprimant, mais pour moi, ça a été très libérateur.
Pour ce qui est de l’Ecclésiaste, il me semble qu’il dit un truc qui ressemble à peu près à ça : parfois on souffre, parfois on ne souffre pas, le mieux à faire, c’est de kifer la vie quand on en a l’occasion. (bon ce n’est peut-être pas exactement ces mots, mais l’idée est là.) C’est compris. Kifer ma vie quand j’en ai l’occasion. Ça me va comme programme.
Voilà donc une partie de mon parcours, des raisons qui m’ont amenée à m’éloigner des Églises, et des réflexions que j’ai développées tout au long de ce chemin.
J’espère que ce billet de blog permettra à ceux qui traversent des situations similaires à la mienne de se décharger d’un peu de culpabilité. J’espère également qu’il rendra attentives les personnes souhaitant témoigner aux risques des templates. Il y a tellement de façons de vivre sa foi, tellement d’expériences uniques. Plus les témoignages reflèteront cette diversité, plus les cabossés pourront s’y retrouver. Et ce ne sont pas Job et l’Ecclésiaste qui me contrediront là-dessus.